CJ veut dire Civilian Jeep. Les CJ2, 2A, 3A, 3B, 5… sont donc des modèles destinés au marché civil de l’après-guerre. Toutefois, après cette réorientation indispensable, Willys va relancer certains modèles militaires. Ainsi, la M38 est une version militarisée de la CJ3A. La M38A1 est le pendant militaire de la CJ5.
Lorsque l’armée belge décide de renouveler en partie ses jeeps après-guerre, elle ne choisit pas la M38, jugée trop chère, mais décide de modifier des CJ3A. A cette époque et jusqu’en 1953, les Ets Wilford sont importateurs de la marque Willys. Les véhicules sont assemblés dans les usines de la Chée de Haecht. Pourtant, les CJ3A de l’armée belge seront montées (ou adaptées) aux Ateliers de la Dyle à Louvain. Il semble donc qu’en 1952 et 1953, 2 sociétés commercialisent Willys Overland en Belgique. Initialement les Ateliers de la Dyle ne s’occupent que des jeeps destinées au marché militaire. Mais après 1953, les Ateliers de la Dyle vont récupérer le monopole et assembler ou importer les jeeps en Belgique.
Notons toutefois que certaines CJ3A non-militarisée seront achetées par l’Armée Belge, mais probablement entre 1949 et début 1952 maximum. Il s’agit donc probablement de jeeps Wilford.
En cherchant un peu sur Internet, on peut facilement trouver des comparatifs entre les CJ3A et leur pendant militaire, la M38. Je me propose dans cet article de vous détailler les différences entre les CJ3A civile d’origine belge et les CJ3A militaire de l’Armée Belge (ABL).
La caisse :
La première grande différence que l’on trouve concerne le haillon arrière qui est condamné sur les jeeps CJ3A ABL. Une plaque est soudée en lieu et place du haillon. Cela permet de replacer la roue de secours et les jerricans sur le panneau arrière, alors que les jeeps civiles n’ont pas de jerrican et ont leur roue arrière sur le côté.
De plus, tout comme sur les jeeps Willys MB, de nombreuses poignées sont placées sur la caisse, ce que l’on ne trouve pas sur une CJ3A purement civile.
Clignotants – calandre – éclairage:
La calandre d’une CJ3A civile est équipée des phares et de 2 catadioptres. Sur les CJ3A militaires, je distingue 2 variantes. Le premier modèle de calandre est tout à fait semblable aux jeeps civiles. Des clignotant sont présents sur les ailes avant de la jeep, à nouveau comme sur les jeeps civiles, mais le modèle est différent.
Le second modèle de calandre des jeeps CJ3A ABL possède des phares de blackout et des clignotants intégrés. Elle est donc percée de 4 trous pour permettre cette installation. Notez également qu’elle n’a plus de catadioptres.
De plus, sur l’aile avant gauche est placé un phare de blackout, au même endroit que sur les jeeps MB. Ce phare n’est présent que sur les jeeps ayant les clignos et petits phares de blackout intégrés dans la calandre.
A l’arrière, les jeeps civiles sont équipées au plus d’un feu stop unique et de catadioptres. Les CJ3A ABL possède un éclairage beaucoup plus sophistiqué, comprenant feux-stop, clignos et blackout. 2 modèles coexistent: soit un modèle rectangulaire à 3 éclairages, soit un modèle rond possédant 2 zones d’éclairage.
Intérieur caisse:
Dans l’habitacle, les CJ3A civile possède une poignée pour le passager avant. Sur les CJ3A militaire, cette poignée est beaucoup plus grande et très visible sur de nombreuses photos.
Capot:
Abordons maintenant le capot. Sur les jeeps militaires, il possède un renfort comme on peut le voir sur la photo suivante. Le capot peut dès lors servir de plateforme d’observation. Sur les jeeps civiles, ce renfort n’est pas présent. Je vous déconseille de monter sur le capot d’une CJ3A…
Capote:
La structure de la capote est également différente. Les CJ3A civile possèdent une structure faites de 2 arceaux arrière emboité dans la caisse, dans un montage finalement assez similaire aux premières Land Rover et Minerva. Les CJ3A ABL possèdent la même structure de capote que les jeeps MB.
La fixation de cette bâche sur le haut du pare-brise diffère également. Sur les CJ3A civiles, un rail parcourt toute la largeur du parebrise afin de fixer la capote. Les CJ3A ABL sont équipées de 3 points d’attache.
Le châssis :
Les jeeps militaires possèdent une ou deux boucles d’attache sur les longerons du châssis, juste derrière le parechoc. Elles ne sont pas présentes sur les CJ3A civile.
Le moteur des jeeps civiles est logiquement dans ses couleurs d’usine, à savoir noir. Toute la mécanique des jeeps militaire est en rouge, ce qui facilite la maintenance en mettant en évidence les possibles fuites.
Enfin, terminons par les numéros de série. Voici un tableau reprenant leur structure en fonction de l’année du véhicule (source KaiserWillys.com) :
Année | Préfixe | Valeur inférieure | Valeur supérieure |
1949 | 10001 | 37749 | |
1950 | 37750 | 63784 | |
1951 | 451 GB1 | 10001 | 54158 |
1952 | 452 GB1 | 10001 | 38652 |
1953 | 453 GB1 | 10001 | 20616 |
Les CJ3A ABL sont sorties d’usine en 1952, et elles possèdent toutes un numéro de série de l’année 1952, c’est-à-dire précédé du préfixe 452 GB1. Cette information est reprise sur 2 plaques dans le compartiment moteur.
Les CJ3A civile des Ets Wilford possèdent un numéro de série sans préfixe et ce quelque soit leur année de fabrication, ce qui leur donne comme années de fabrication 1949 ou 1950.
Modèle | Année | Numéro de série |
Wilford CJ3A | 1950 | 43083 |
1952 | 12677 | |
1953 | 37684 |
De plus, ces numéros de série ne respectent pas un ordre croissant. Ainsi, dans le tableau, la jeep de 1950 possède un numéro cohérent pour son année, mais les jeeps de 1952 et 1953 possèdent des numéros datant de 1949…
Que peut-on tirer comme conclusion de tout cela ? Je pense que les jeeps Wilford sont bel et bien de modèles 1949 ou 1950, mais qui ont été assemblées en Belgique ultérieurement, et sans respecter la chronologie des numéros. Leur année correspond à leur montage en Belgique, mais les kits de fabrication dont elles sont issus datent de 1949 ou 1950. Je manque malheureusement encore de données pour étayer cette hypothèse.
A contrario, les CJ3A ABL ont été importées en 1952 et font partie d’une commande militaire. Avant livraison à l’Armée, elles sont passées par les Ateliers de la Dyle pour modification. Quelle a été l’étendue de ce montage? Encore une question ouverte.
Voici enfin un petit tableau récapitulatif de cet article :
CJ3A (civile) | CJ3A ABL (militaire) | |
Caisse | Haillon rabattable | Haillon arrière soudé |
Roue de secours latérale | Roue de secours arrière | |
Pas de jerrican | Jerrican arrière | |
– | Poignées extérieures | |
Petit garde-main | Grand garde-main | |
Calandre | Simple | Simple ou percée pour ajout de phares (voir plus loin) |
Capot | Non-renforcé | Renforcé |
Eclairage | Clignos sur les ailes avant (Wilford) | Clignos sur les ailes avant ou dans la calandre avant. |
Pas de phares blackout | Phares blackout sur l’aile avant gauche et dans la calandre (pas sur tous les modèles) | |
Un feu stop arrière | 2 types de boitiers à l’arrière avec clignos et feux stop intégrés | |
Capote | Civile | Modèle MB |
Châssis | Simple | Avec boucle d’attache |
Moteur | Noir | Rouge |
Voilà, j’ai fait le tour mais je suis certain d’avoir oublié quelques détails.
Bonne analyse à tous et sur ce,
A+
Excellent travail d’un véritable chercheur passionné.
Ayant voyagé comme passager d’une jeep je ne peux que conseiller de placer une poignée dite « du bon dieu » comme sur la CJ blanche en photo. C’est un minimum pour « s’accrocher »…
Je suis à la recherche d’une « queue de cochon » ABL (le crochet de remorquage sur pare-chocs avant) comme encadré sur photo. Courage pour tout le boulot vu sur la sahara.
Michel
Merci Michel, et si vous possédez une CJ3A ABL, n’hésitez pas à m’envoyer des photos!
Bonjour Michel. si vous cherchez toujours une queue de cochon pour votre abl, faites moi signe, j’en ai une à céder.
cordialement
Bravo pour ce site et touts ces précieuses informations.
Ayant une CJ3A ABL en restauration, je me permets d’ajouter quelques précisions découvertes sur les ABL;
– électricité 24v (non blindée) avec ajout d’un support de batterie soudé au châssis côté droit (démarreur modèle MZ-4162 bobiné en 24V)
– bloc d’environ 500 n° de série autour du bloc « 452GB1-29500 » (sortie usine Toledo des kits CKD environ juillet 1952)
– reprise du n° d’exemplaire (29xxx) gravé sur le longeron avant gauche
– plancher arrière surement produit à Louvin car sans les 4 encoches de fixation des banquettes civiles ni sans les 3 emboutis de passants pour la fixation de la capote en mode pick-up (la M38 les a alors qu’elle n’en a pas besoin)
– supports de banquette et banquette arrière communs à la M38
Il y a encore sûrement d’autres subtilités
Les CJ3A ABL ont ensuite profité de pièce de rechange produites localement et simplifiées (capot sans script Willys, pare-brise sans emboutis) que l’on peut voir sur les photos d’époque
Bonne(s) restauration(s) et bonne ballades !
Excellentes infos! Merci beaucoup.
Merci pour le compliment!