J’utilise plus ma jeep (une Hotchkiss M201 SAHARA) pour faire des petites courses, déposer les enfants, … que lors de manifestations ou rassemblements d’ancêtres. La raison ? Le temps probablement. Et s’il est une chose que je fais régulièrement, c’est la charger de déchets pour aller au parc à container. Je ne vais pas salir ma voiture de tous les jours quand même ! Et sinon, à quoi servirait une jeep !!!!
Or donc, il y a un peu plus d’un an, je me rends à la déchetterie et gare la jeep devant le container des encombrants et commencent à transvaser mes rebuts. La jeep est garée derrière une voiture, le coffre ouvert, et un monsieur assez âgé en décharge des déchets de jardin. A la vue de ma jeep, il vient me parler : « Moi, j’en ai conduit une pareille, mais elle était équipée de mitrailleuses devant et derrière, une vraie machine de guerre ».
Surpris, je pense qu’il parle d’une Minerva Recce qu’il aurait conduit durant son service dans les années 50 ou 60. Mais non, en discutant un peu je me rends compte très rapidement que je suis en face d’un vétéran SAS belge de la 2ème guerre mondiale, et que sa jeep était une Willys, SAS, avec laquelle il a combattu pendant la guerre. Je dois dire que j’ai probablement été trompé par l’énergie qu’il dégageait en déchargeant ses déchets verts et qui ne m’aurait jamais laissé penser qu’il avait plus de 90 ans. Comme toujours dans ces cas-là, la surprise de la rencontre vous rend quasi muet, et une fois reparti de la décharge, j’ai pesté de ne pas avoir posé plus de questions. La rencontre m’a marqué et est une parfaite introduction pour l’article d’aujourd’hui qui va parler de ces jeeps SAS utilisées par les belges durant la seconde guerre.
Alors loin de moi l’idée de refaire l’historique des SAS, il existe suffisamment de livres qui traitent de ce sujet. Sachez seulement que des parachutistes belges furent intégrés dans la 5th Belgian SAS lors de la campagne de libération de l’Europe (tout comme des français d’ailleurs). Leurs missions étaient multiples : renseignement, support et formation des groupes de résistants, sabotages des arrières de l’ennemi, … Sur le front de l’ouest, les SAS furent déployés en France, en Belgique (et notamment pendant la bataille des Ardennes), en Hollande puis en Allemagne. Au même titre que les SAS français, la langue était un atout majeur par rapport aux anglais, car elle facilitait grandement le contact avec les résistants et les populations locales, d’où une utilisation extensive de ces unités.
La jeep et les SAS sont intimement liés et ce depuis la campagne en Afrique du Nord. L’idée et le concept des jeeps SAS y ont été développés. Mais à la grande différence des premières jeeps SAS en action en Lybie, les jeeps SAS de la fin de la guerre sont plus abouties. Elles possèdent des blindages visant à protéger le conducteur et le passager, des réservoirs de grandes capacités remplacent les jerricans entassés un peu partout. Elles ne possèdent évidemment plus leurs ajouts spécifiques à l’évolution en milieu désertique (filtres pour le sable, vase d’expansion). Je détaillerai donc dans cet article les caractéristiques de ces jeeps SAS de la fin du conflit, sur base entre autre de photos de jeeps du 5th Belgian SAS.
Armement / blindage :
Les jeeps ont subi une évolution pour aboutir à la version exploitée par les SAS en fin de guerre. Une constante pourtant, l’armement important est principalement basé sur des Vickers aviation jumelées et des Bren comme arme d’appoint. Certaines se voient également équipées d’une « point 50 ».
La défense des premières jeeps SAS était assurée par leur armement. L’effet de surprise des attaques dans le désert, le nombre de jeeps employées dans les raids et leur puissance de feu leur assurait une protection efficace. Mais cet effet de surprise ne dura qu’un temps et il est vite apparu que les occupants du véhicule, ainsi que les organes de la jeep étaient très vulnérables. Je distingue 3 évolutions dans ces protections. D’abord, des plaques de blindages furent montées pour protéger le conducteur et l’arrière de la jeep. Ensuite, une plaque fut montée au double affut du passager avant. Enfin, vers la fin de la guerre, les organes moteurs furent protégés par un blindage situé devant le radiateur.
De nombreuses photos de jeeps SAS du 5th Belgian possèdent des dessins sur les blindages. En voici quelques uns.
Alimentation en essence :
Les SAS doivent opérer en autarcie derrière les lignes ennemies. L’endurance des jeeps est donc primordiale. Les premières SAS emportaient de nombreux jerricans. Sur les SAS continentales, il existe différentes installations permettant d’augmenter l’emport en carburant.
Une première solution fut de remplacer les nombreux jerricans placés sur les 2 ailes arrière par des gros réservoirs, doublés de caoutchouc comme sur les avions afin de les rendre hermétique aux balles (le caoutchouc gonfle au contact de l’essence).
Une autre solution fut de placer un second réservoir sous le siège passager. Ce réservoir est parfois suffisamment plat pour se glisser sous le siège avant gauche. Mais souvent, il s’agit d’un réservoir de jeep standard, ce qui nécessite de trouer la caisse et de modifier le parcours du pot d’échappement.
Lot de bord :
Afin de permettre d’emporter suffisamment de matériel, un panier est fixé sur l’arrière de la jeep. La roue de secours ne s’y trouve plus et est donc souvent déplacée sur le capot avant. Notez que sur les nombreuses photos d’époque, les pneus de ces jeeps sont rarement assortis. La raison est une pénurie de matériel au sein de l’armée anglaise ayant nécessité l’emploi de différents types de pneus, dans la taille standard des jeeps, à savoir le 6.00 x 16.
Reproduction :
Il existe de nombreuses reproductions de jeeps SAS en version Afrique du Nord. Les versions occidentales sont nettement plus rares. Le risque dans une telle restauration est la recherche de la perfection : Les jeeps SAS sont des véhicules bidouillés au possible, surchargés, à la structure fatiguée, à la peinture abimée, … En se lançant dans un tel projet, il faut à tout prix tenter de donner une âme à son véhicule, au risque d’obtenir un résultat décevant et très loin de la réalité.
Voici par contre une restauration magnifique d’un modèle de jeep SAS fin de guerre équipée d’une point 50 en lieu et place des 2 Vickers.
Si vous êtes tenté par une reproduction ou une transformation d’une jeep en modèle SAS, une société anglaise reproduit les pièces (pour la plupart introuvables) caractéristiques de ces véhicules: https://www.ww2fabrications.com
De plus, de nombreux revendeurs proposent des reproductions de l’armement (Vickers, Point 30 et 50).
Une survivante
Je fais régulièrement des visites au Musée de l’Armée de Bruxelles. Le bâtiment du Cinquantenaire, la salle des drapeaux et surtout (pour moi) la collection d’avions valent vraiment la peine.
Le musée détient une jeep (Ford GPW) des SAS belges en état d’origine. Il s’agit d’un des derniers modèles utilisés pendant la guerre.
Elle était auparavant exposée à la section para dans le grand hall des avions mais a maintenant déménagé dans l’aile réservée à la seconde guerre mondiale où j’ai pu la photographier de près.
Parmi les détails remarquables, son second réservoir et le siège passager avant, son blindage de radiateur, ses marquages et cicatrices d’époque, …
A+
Merci pour ce fourmillement de détails précis. N’étant qu’un néophyte question Jeep SAS, je me pose la question de l’utilité des renforts à 45 degrés ajoutés entre les ailes avant et le pare-choc. Quel est le but précis de cette modification?
Autre question: étant plutôt axé modélisme, je sais qu’ Itaelery avait sorti un modèle au 1/35 au siècle passé. Auriez-vous connaissance de références plus abouties? ( modèle Europe)
Bonjour,
concernant les renforts, je n’ai pas non plus de certitude. Ils pourraient renforcer les ailes avant qui supportent pas mal de poids en plus.
En modélisme, je pense me rappeler que Verlinden avait sorti un kit d’amélioration pour SAS mais modèle désert et pas continental. Par contre, l’idée des jeeps SAS est qu’il n’y a pas d’uniformité ni de vérités absolues: vous pouvez donc l’adapter facilement en puisant sur des détails mais en se basabt sur la jeep Italieri qui est un parfait support.
Cordialement
Xavier
Merci pour ces précisions. Cela conforte en tout cas l’idée que la jeep parfaite n’existe pas et que la réalité du terrain a produit des soupes de jeeps, suaves mélanges de Willys et de Ford, de early à composite. L’après-guerre y a ajouté les pièces WOF, comme j’en ai trouvé une sur ma CJ3A civile. Dés lors, à moins de vouloir reproduire une jeep sortie d’usine, la quête de la perfection (avec par exemple le décompte des scripts Ford) relève plus de la folie du collectionneur que de la réalité historique.
Le frein a main est correct pour une ford early le modèle à tambour apparait plus tard vers 44 certaines lames de ressort sont willys et le volant ne correspond pas a l’année du véhicule..