Le premier article de ce blog visait, en guise d’introduction, à rendre un hommage commun à la jeep et aux grands auteurs belges de bande-dessinées en vous présentant l’Histoire de la jeep par Jean-Luc Engels.
Cette série, parue dans une revue militaire, se termine par quelques cases abordant l’évolution des jeeps, notamment Belgique. Par exemple, les CJ3A ABL militaires y sont abordées.
La page 11 parle des descendantes de la jeep en introduisant le pickup Willys, appelé simplement « Camion Willys » sur les publicités de l’époque.
Une case avait retenu mon attention : elle parlait d’un test de pickup Willys survenu le 3 avril 1951 à Tervuren (c’est plutôt précis !!)
J’ai par chance reçu 2 photos de ce test. Je les ai évidemment décortiquées à la loupe. La première présente un Pickup tirant un tronc d’arbre, la seconde montre une jeep dans l’étang de Tervuren.
Le moins que l’on puisse dire en comparant le dessin de Jean-Luc Engels et les photos, c’est qu’il a totalement réussi à reproduire l’ambiance de ce test : le décor forestier, la sortie de l’étang, les différents militaires observant les essais les mains dans les poches…
Nul doute donc qu’Engels se soit inspiré de ces photos pour son dessin. Son « Histoire de la jeep » est parue dans une revue militaire, l’armée lui a donc certainement fourni du matériel et de la documentation.
La photo de la jeep est intéressante. En effet, à première vue, on reconnait le large pare-brise en une pièce des jeeps CJ3A. Pour ceux qui en doutent, les 2 moteurs des essuie-glaces sont visibles sur la photo.
J’ai donc pensé que ce test impliquait une CJ3A. Mais pourquoi tester une CJ3A, elle est finalement très semblable à la Willys MB. Quel est donc l’intérêt de tester un véhicule quasi semblable à celui que l’Armée utilise depuis la fin de la guerre ? Entre une MB et une CJ3A, les évolutions sont plus cosmétiques qu’autre chose, mis à part la boite de vitesse T90 qui remplace la T84.
En revanche, la jeep M38, version militaire de la CJ3A, possède des équipements beaucoup plus aboutis et plus adaptés à l’usage militaire: électricité en 24V, blindage, étanchéité totale, la liste est longue donc suivez ce lien si vous êtes curieux.
Je pense donc que ce test visait à montrer la valeur ajoutée des jeeps M38 par rapport aux Willys MB. La jeep présentée n’est donc pas une CJ3A, mais une M38. Le parc de jeeps de l’armée est vieillissant et fatigué, il doit être remplacé : le fait-on avec la M38 ???
Il me reste juste à vous prouver (facilement) que la jeep est une M38 par 3 détails de la photo.
Le premier est la plaque d’accès à la batterie des jeeps M38. Elle est visible sur la photo et confirme donc automatiquement mon hypothèse. Cette plaque non présente sur les CJ3A permet de garder la batterie au sec.
Deuxième indice, moins visible sur la photo, mais qu’on peut en revanche facilement admettre, le montage du kit « sous-marin » qui permet aux M38 de rouler sous l’eau. En effet, en voyant la jeep dans l’étang, on constate que son capot est bientôt totalement englouti. Une CJ3A avec un montage électrique simple et une prise d’air classique aurait déjà calé depuis longtemps.
Dernier indice, cette jeep possède une capote militaire semblable aux Willys MB et dont les points d’attache sont semblables à ceux des M38. En 1951, les CJ3A civiles utilisent un autre système de fixation de la capote, semblable à celui des Land Rover. Plus tard les CJ3A ABL de l’armée (mais construites en 1952), auront une capote semblable à celle des M38, mais dont les points d’attache seront légèrement différents.
Or donc, en 1951, l’Armée teste des M38. Et en 1952 (ou peut-être fin 1951) elle commande des CJ3A militarisées. La conclusion est donc simple : le test de la M38 du 3 avril 1951 n’a pas démontré un avantage indéniable de la M38 sur la MB. Ou du moins cet avantage ne valait pas le surcout d’investissement des M38 par rapport aux CJ3A. En effet les M38 sont beaucoup plus chères à l’achat.
L’Armée Belge a donc décidé d’acheter des CJ3A, ce qui lui permettait probablement de faire de belles économies. Ces CJ3A seront donc adaptées et militarisées au sein des Ateliers de la Dyle pour devenir des jeeps CJ3A ABL.
A noter que nous ne serons pas le seul pays à militariser des CJ3A. Des pays comme l’Espagne, la Suisse ou Israël pour ne citer qu’eux ont adapté le modèle civil pour leur besoin militaire.
Enfin, revenons aux pickup Willys. Jean-Luc Engels précise que suite à la journée d’essai à Tervuren, la Force Aérienne commanda plusieurs exemplaires.
Je suis en train de sonder les fins fonds de Google et de Yahoo, mais je n’en trouve aucune photo.
A côté du képi (à gauche) de la Force Aérienne est placé un képi de la Gendarmerie ou de la Police. Mais là non plus, aucune photo d’un Pickup Willys au sein de ces unités.
Je ne désespère pas.
Sur ce, bonne fête de fin d’année et
A+
Merci pour ces informations Patrick. Je vais approfondir ce refus d’export des M38 et j’ai adapté le texte concernant la boite de vitesse.
Bonsoir,
Je suis un possesseur de Jeep CJ3A de l’Armée Suisse. J’ai de la peine à trouver des infos sur les contrats d’achats et les spécifications de l’époques. Cependant je peux vous donner quelques infos sur la mienne.
Elle date de 1951. Elle a un arceau de capote type MB. Ce qui semble avoir été demandé par l’Armée Suisse. Pas de poignées latérales de caisse. Par contre j’ai une « boite à gant » type MB mais elle a peut être ajoutée plus tard. Je crois savoir que les USA ne voulaient pas exporter leur modèle militaire (M38) pendant la guerre de Corée.
La CJ3A possède quelques avantages par rapport à la MB, notamment une boite principale plus solide (T90 vs T84) et surtout des rapports courts … plus courts. Ce qui est un avantage dans le terrain.
Sinon je lis votre blog avec plaisir et vous encourage à continuer.
Cdlt
P. Delfaud